Le département des «affaires spéciales » créé au sein du ministère israélien de la justice consacre en permanence des dizaines de millions d'euros pour contrecarrer la mise en cause de ses propres criminels par des juridictions internationales ou nationales un peu partout dans le monde, révèle vendredi le journal en ligne Mediapart, au terme d'une enquête conjointe avec d'autres médias européens.
Ce département de « guerre juridique » (« legal warfare » en anglais) a été créé au lendemain de la tuerie dite « Plomb Durci » de fin 2008-début 2009 dans la bande de Gaza, pendant lequel plus de 1.400 Palestiniens, dont une grande majorité de civils, avaient été assassinés.
L'agence du ministère a permis de prévenir à temps de hauts dignitaires du régime, et leur conseiller de renoncer à des voyages dans des pays où des plaintes les visant avaient été déposées contre eux.

L'argent investi dans ces opérations a par exemple servi à obtenir le classement sans suite, en Espagne en 2009, de plaintes contre un ministre et six officiers supérieurs impliqués dans le massacre de « Plomb Durci ».
De même, les pressions exercées sur la Cour Pénale Internationale (CPI) ont permis de retarder la plainte de l'Autorité Palestinienne, toujours à propos des 1.400 victimes de Plomb Durci. Certes, une enquête a fini par être ouverte à La Haye par la CPI, « mais nous avons quand même gagné 10 ans dans cette affaire », se vantent les responsables de ces « affaires spéciales », dans un des nombreux emails internes à ce département que se sont procuré les journalistes.
Sans surprise, Israël est très actif dans la protection de ses militaires bi-nationaux (France, USA, Allemagne, Belgique...) débusqués, notamment par la récente Fondation Hind Rajab qui traque les assassins à partir des vidéos d'atrocités que la soldatesque a elle-même diffusé sur les réseaux sociaux. Des dizaines de millions d'euros sont investis dans leur défense, indiquent Mediapart et ses confrères.
Mais à quoi sert tout cet argent ? L'enquête ne permet pas d'en connaître le détail, même s'il est évident qu'une partie au moins de la somme sert à corrompre des contacts bien placés dans les différents pays.
Et puis, Israël ne gagne pas toujours.
En 2018, la firme israélienne Psagot, qui cultive des vignobles sur les terres palestiniennes volées de Cisjordanie, avait tenté de faire annuler en justice le désormais fameux « avis aux importateurs » du gouvernement français de 2016 obligeant les vendeurs de produits coloniaux à mentionner l'origine exacte (« produit des colonies israéliennes », par exemple) de leurs produits, et pas l'étiquetage frauduleux « made in Israel ».
Le département des « affaires spéciales », avait conseillé à Psagot de renoncer à sa plainte, de crainte qu'un échec ne crée un dangereux précédent pour tout le régime de l'apartheid. Mais Psagot, soutenu par l'officine française Organisation Juive Européenne (bien mal nommée, car ne défendant pas les Juifs mais l'État d'Israël), avait apparemment persévéré.
Et perdu.
En 2019, la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) avait ainsi rejeté sa plainte. Voir à propos de cette affaire et de ses développements notre article ci-dessous :
Union européenne : un pas vers l'interdiction des produits coloniaux
CAPJPO-EuroPalestine